Lundi 29 septembre. 8 h.
On a gagné ! Mon équipe de football, Celle que je possède et qui est à Moi, a gagné son match ! Ca ne se lit pas forcément, à la sortie, sur les visages des supporters mais il ne faut pas oublier que la Bretagne est une réserve naturelle de citoyens dont le caractère naturel est la réserve : « Je reste sur ma réserve, tu réserves tes restes, il conserve sa sardignité en toutes circonstances, Nous pâtéhénaffons mais pas trop, ralentir, cholestérol, vous avez le devoir de réserve, ils ont pas réservé ? Alors ça c’est complet ! Comme la galette ! Ils en ont au moins ?»
Même jour 9 h.
Mon enthousiasme n’a pas fait long feu ! En arrivant au siège de la société, je constate l’affolement général de mes employés : on a été victimes d’un casse ! Je ne m’affole pas car c’est particulièrement idiot de cambrioler le week-end. Ces deux jours-là, les caisses de mon entreprise sont aussi vides que celles de l’Etat.
Même jour 10 h 30
On n’a rien dérangé à priori, rien cassé, rien volé sauf qu’en entrant dans le bureau de Martine V. je découvre le pot-aux-roses. La fille en rose a disparu, mais disparu de chez Disparu : le tableau entier été décroché du mur. Et merde ! Pas question d’alerter les flics. Il faut que je règle ça tout seul. J’appelle madame Bellazzi, la secrétaire du service « contentieux et mercato ». Elle va encore me raconter ses problèmes de santé ou ses relations compliquées avec ses trois précédents maris, tous Asiatiques, mais il n’y a qu’elle qui peut me dépanner. Son réseau de relations est plus important encore que le mien.
Même jour 15 h.
Le détective privé s’appelle Florent Fouillemerde. Il habite 62 rue du Pas-de-Calais dans le quartier de Villejean. Mme Bellazi a pris un rendez-vous pour moi en donnant un faux nom. Je m’appelle Jmechov et je suis marchand de bois et charbons ! N’importe quoi ! A l’ère du nucléaire ! Le privé a l’air éteint jusqu’au moment où je lui décris le tableau disparu, la fille en rose avec des couettes et l’air nunuche.
- Ah non ! Pas encore Isaure Chassériau ! On m’a fait le coup en 1999 ! s’écrie-t-il, ce con !
Je lui sifflerais bien un penalty, à celui-là ! Je sors en ayant fait chou blanc. Ce barjot a refusé d’enquêter sur la disparition du tableau malgré le nombre affolant de zéros qui figurait sur mon chèque. Où va-t-on si la police a des scrupules, ou pire, des goûts en matière de peinture !
Mardi 30 septembre 9 h.
J’ai l’impression d’être suivi partout où je vais. Je ne vais tout de même pas demander à mon chauffeur de faire des pointes de vitesse sur la rocade pour semer l’Ami 6 Citroën qui nous file le train vu qu’ils ont mis des radars partout mais ça m’intrigue bien quand même. C’est comme mon chauffeur avec le gilet jaune fluo qu’il enfile maintenant pour conduire et le triangle rouge qu’il a déposé bien en évidence sur le tableau de bord. Il appartient à une secte ou quoi ?
Même jour 11 h.
700 milliards de dollars en liquide ! Qu’est-ce que c’est que ce plan à la con ? Où je vais dénicher une rançon pareille, moi ? Et pour récupérer une croûte qui ne m’appartient même pas ? Et qu’est-ce que c’est que ces Charlots ? Ils se présentent comme le « Front de libération des Prairies Saint-Martin canal historique », ils disent détenir Isaure Chassériau, « la célèbre journaliste » et réclament pour sa libération, en plus du pactole, un emplacement à la braderie de l’année prochaine pour que le groupe rock « Galeries Lafaillite » puisse venir y chanter du blues en blouse !
J’ai raccroché. Je n’aime pas les nases.
Même jour 11 h 30
Un type appelle pour me vendre une œuvre d’art contemporaine. C’est une installation à base de trois cocottes-minutes posées devant un paysage angoissant. Il appelle ça « une journée sous pression ». S’il savait comme ça correspond bien à ma situation ! J’ai pris rendez-vous avec lui pour cet après-midi, rue Saint-Louis. J’espère que ce gland n’en demandera pas 700 milliards ! C’est un chiffre qui a l’air de plaire en ce moment ! »
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