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lundi 24 décembre 2012

Deux poignées de portes jumelles mémorables rue d'Antrain à Rennes (1)


J'ai quelques scrupules. J'espère que cela m'honore ! J'ai quelques scrupules car j'ai déposé sur le Défi du samedi un texte qui n'était pas écrit à partir de la consigne de l'adorable Miss MAP mais d'après celle que j'avais donnée mardi à mon atelier d'écriture en vrai : "Ecrivez une lettre déjantée à un responsable d'institution pour lui faire une proposition fantaisiste. Vous joindrez à votre courrier un billet de dix euros". C'est là, en quelque sorte le résumé du livre de Patrice Minet "Moi et la reine d'Angleterre". Mardi, j'ai écrit trois lettres d'après ce postulat. Celle-ci, la deuxième, adressée au Directeur du Musée du Louvre à Lens émanait d'un personnage de fiction amoureux de la Vénus de Milo. La consigne du Défi était "Quelle oeuvre d'art vous émeut ? Dites pourquoi". Comme ça collait aussi et que j'étais pris par le temps et une espèce d'épuisement de fin de trimestre, je l'ai envoyée et n'ai donc pas répondu sincèrement à la question de MAP.

Deux poignées de portes jumelles mémorables rue d'Antrain à Rennes (2)


Les sybarites dans mon genre tirent parti de tout et même du mauvais temps. Au matin de ce dimanche, ma désormais traditionnelle séance de jogging a eu lieu en partie sous la pluie. Une fois rendu au pont de Bretagne, j'ai repris mon rythme de marcheur et ai sorti mon appareil photo de ma poche. Le hasard de ma pérégrination m'a amené rue d'Antrain et là, en face du cinéma l'Arvor, j'ai eu un flash (pour un photographe, quoi de plus naturel ?) en me retrouvant face aux deux poignées de portes jumelles de l'ancienne Agence Maison rouge. Quelle oeuvre d'art m'émeut à Rennes sinon ces deux pièces de fer forgé tellement liées à cet autre tableau du musée des Beaux-Arts qui bouleversa un temps ma vie : le portrait d'Isaure Chassériau par Eugène Amaury-Duval ?

Deux poignées de portes jumelles mémorables rue d'Antrain à Rennes (3)


C'est bien ici en effet, derrière ces portes vitrées, qu'Isaure Chassériau avait installé dans les années 1960 les locaux de son Agence de Flânerie Amoureuse de Rennes. J'ai raconté ailleurs, de façon foncièrement décousue, l'enquête que mena un détective privé (de jugeotte), dans cette bonne ville de Rennes, à la recherche de cette personne née en 1818 ou 1820, photographiée par Edouard Boubat en 1960 et sortie de son tableau en 1999. Vous ne me suivez déjà plus et c'est tant mieux ! Cela prouve que si j'avais traité ainsi la consigne du Défi, j'eusse passé pour un fou !

Deux poignées de portes jumelles mémorables rue d'Antrain à Rennes (4)


Donc forcément, émotion ici : la réalité de la ville rejoint la fiction pondue par mon imagination. Reste le mystère infini, envoûtant de cette représentation astrologique mixte : il s'agit bien d'une effigie du verseau mais comme elle est dédoublée, on pense aussi aux Gémeaux. Reste aussi l'extrême humilité du raconteur d'histoires : combien de personnes passent devant cette boutique en pensant à cette fiction noyée sur la toile ? Combien seraient prêtes à mener une enquête dans les bibliothèques ou ailleurs pour savoir qui a sculpté ces oeuvres d'art ? Combien s'arrêtent sous la pluie pour photographier de dessus, de dessous, cette représentation féminine non dénuée tout compte fait, tout conte fait, d'un certain érotisme ? Oui, c'est cela, une, un seul mec, toujours le même, bibi ! Qu'aurait généré comme commentaires l'aveu d'une émotion artistique comme celle-ci ? Finalement, je n'ai pas de scrupules : mon émotion, c'est personnel et ça n'a pas forcément à prendre place sous une forme exprimée sur la toile.
- Ah ouais ? Alors pourquoi tu viens de nous baratiner plus de quinze lignes avec ton histoire de poignée de porte, Joe Krapov ?
- ...
- Ouais, Touché, coulé ! T'es aussi nul à la bataille navale qu'en botanique appliquée !

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