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mardi 5 février 2008

Châtiment ir-réversi-ble (Paroles plurielles 59)

fête du jeu à villejean rennes reversi
Les Enfers, le (date illisible)

Ma très chère Desdémone

On m’a enfin transmis ton adresse et donné le droit de t’écrire. La vie dans cette prison n’a rien de drôle. Personne ne m’apporte d’oranges ni ne me parle.

Condamnation féroce ! Mais j’expie. Je paye cher ce geste imbécile, ce crime non prémédité mais bel et bien commis et je médite à propos de ce sentiment exacerbé dont j’ai été la victime, la chose, le pantin. Evidemment Iago et Roderigo ont tiré les ficelles mais…

Mais je porte certainement ma part de responsabilité. J’avais la possibilité de t’aimer simplement sans prêter l’oreille à personne, de te chérir de manière privilégiée sans porter attention à ces médisants. Cela a été mon drame, notre drame. Je t'ai occise.

Sache-le, on m’a imposé comme châtiment la pire, je crois, des positions : enfermé dans cette pièce carrée sans fenêtres, je dois aligner des pions ronds à faces noires et blanches en posant alternativement des pions blancs et des pions noirs. Cela semble facile, évidemment, mais le damier comprend 64 milliards de cases et les pions ont ma taille et pèsent mon poids !

Tantale, Sisyphe et les Danaïdes se paient ma tronche à côté et ricanent comme des damnés. Mais trêve d’apitoiement égoïste ! Comme on m’a limité en revanche à 2000 caractères, j’en viens à l’essentiel de cette lettre. Accepte de lire et d’entendre, ô ma Desdémone adorée, mes lamentations éternelles et mon appel solennel à ton pardon magnanime.

Ton Othello

P.S. Venise est-elle admirable également, observée par la lorgnette de cet à jamais inaccessible Paradis ?

Ecrit d’après la consigne n° 59 de paroles plurielles :
Une consigne un peu différente cette fois, elle a trois volets
- Vous écrirez un texte sur le thème de la jalousie. La jalousie peut concerner tous les domaines, pas seulement l'amour.
- ce sera obligatoirement sous forme de lettre
- en aucun cas vous ne pouvez utiliser la lettre u
NB. Humour bienvenu
Je rappelle la contrainte des 2000 signes maximum (espaces compris)


Une rupture (Paroles plurielles 60)

travaillépluche pour gagnépluche
Quelque part j'ai envie de dire que ce n'est pas très nouveau. Il faudrait être handicapé mental pour ne pas asséner pareilles frappes chirurgicales dans cette fourmilière sclérosée. 140, ça paraît bien. Ca entre tout à fait dans mon projet professionnel. Au niveau du vécu, avec mon prédécesseur qui a échappé à l'espace carcéral, ça devrait le faire. Pas de souci. C'est le moment, c'est l'instant pour bouger les lignes.

Par contre il ne faut pas que ce soit récurrent. Il y aurait alors, effectivement, un danger de clivage. Donc 172, c'est sûr, y'a pas photo, ce ne serait que du bonheur, du bonus plein le double dévédé, du super-cadeau dans le paquet de Bonux. De toute façon, il faut bien ça pour me remettre en selle. Intrinsèquement je sens bien que j'ai besoin de salons de massage, de plaisir et de rapports intimes plutôt que, disons le clairement pour mieux en rire, d'exclusion et de handicap économique.

Bon, allez, assez tergiversé. Point barre. Trop c'est trop ! Je me lance.

- Mesdames et messieurs les membres du Conseil d'administration, je vous demande de bien vouloir m'accorder une augmentation de salaire de 172%. Qui est contre ?
- ...
- Qui s'abstient ?
Une toute petite voix s'élève alors.
- Euh. Oui mais non.
- Oui, Lefrançois ?
- C'est-à dire qu'avec la conjoncture on se perd en conjectures sur la façon de faire la jointure avec nos joints ventures, alors si d'aventure la menace de faillite liée à la crise des subprimes.
- Je ne connais de subprimes qu'à la vache haletante ! (à part : quel thon, celui-là !)
- Vous voulez dire allaitante, M. le Président ?
- C'est celààààà, oui.
Il regarde Mme Lorraine d'un mauvaise oil et pense : Quelle quiche, celle-ci !
- Pas d'autres commentaires ? Eh bien je vous remercie d'avoir pris sur vous pour voter cette décision difficile. Maintenant si vous voulez bien, nous allons aborder le point 2 de l'ordre du jour. Dugland, où en est-on de notre OPA sur Eurodisney ?

Le reste de la réunion est « off the record ».

Ecrit d’après la consigne n° 60 de paroles plurielles :
Il y a dans notre vocabulaire des mots que j'ai envie de qualifier de "mots tocs", de ces mots dont on truffe à tout bout de champ les conversations. En voici quelques-uns: tout-à-fait... quelque part... effectivement... pas de souci... que du bonheur... c'est trop... j'ai envie de dire... oui mais non... y pas photo..
Voici ce que je vous propose:
Vous écrivez un texte cohérent avec le plus possible de ces "mots tocs" dans l'ordre que vous jugerez bon. Le texte sera un monologue intérieur de quelqu'un qui doit prendre une décision, et qui ne parvient pas à se décider. Les mots s'intègreront de façon harmonieuse, donc pas artificielle, il ne faut pas qu'on "sente" que vous avez à tout prix voulu les mettre dans votre texte qui ne dépassera pas 2000signes, espaces compris.



L'image que j'ai adjointe à cette consigne doit déjà se trouver sur le blog avec la légende "travaillépluche pour gagnépluche".

Loreille, Lardu et Cornes d’auroch (Paroles plurielles 61)

main sur le volet paroles plurielles 61
- J'ai bien fait le tour de la question, Stan. Les amoureux du Nil, ce ne sera pas nous.
- Mais… de qui parles-tu, Oliver ? Je ne suis pas celui que tu crois !
- Je parle de ma fiancée et de moi, idiot ! Je voulais lui faire la surprise. Il y avait un voyage en Egypte à gagner si on répondait à une seule question du grand jeu-concours de la revue «Circonstances ».
- Et quelle était-elle ?
- J’ai bien fait le tour de la question, Stan. C’était très dur. Ecoute : «Un escargot escalade un mur de 4 m. de haut. Le jour il grimpe 2 m. La nuit il redescend d’un mètre. Il part vendredi matin. Quand arrive-t-il en haut du mur ?"
- Effectivement. Il y a peut-être un piège, Oliver. Les escargots sont hermaphrodites !
- Ah bon ? J’ignorais. J’ai réfléchi toute la semaine sans rien trouver. Alors jeudi j’ai acheté un escargot à l’animalerie. Cornes d’Auroch, il s’appelait. Le lendemain je suis allé dans le jardin de ma fiancée et je l’ai mis au pied du mur.
- Mais, Oliver, ce n’est pas un maçon !
- Non, Stan, c’est un colimaçon. Au début tout marchait bien. Au bout de ses deux mètres en fin de journée, il est redescendu. Et puis samedi matin, alors qu’il avait négocié tout seul son virage de remontée, Paf ! L’accident bête !
- Disqualifié pour excès de vitesse !
- Non. Souviens-toi, il faisait très beau samedi matin. Ma fiancée à ouvert ses volets. En plein sur Cornes d’Auroch !
- Ca a fait baisser sa moyenne ?
- Tu es vraiment stupide, Stan. Sans coquille, ça ne marche plus. Ce n’est plus un escargot, c’est une limace. Ca fausse tout.

Un temps.

- Mais toi, Oliver, tu es assez idiot aussi. Rappelle-moi, c’est quoi le métier de ta fiancée ?
- Elle est prof de maths, pourquoi ?

Un autre temps.

- Console-toi, Oliver, jouer les amoureux sur le Nil, c’est très surfait maintenant.

Il jette une poignée de terre sur le trou qu’il vient de reboucher. Ils se signent. Le vent se lève. Deux feuilles mortes viennent assister à l’enterrement de l’escargot.

Ecrit d’après la consigne n° 61 du site Paroles plurielles:
Vous vous inspirerez de la photo et commencerez votre texte par cet incipit:
"J'ai bien fait le tour de la question..."

Ton portrait tout kraché (Paroles plurielles 62)

5 hommes d'un tableau de paul delvaux
Mes bien chers frères,
Mes bien chères sœurs,
Nos airs sévères
Et sans saveur
D’austères
Pasteurs
Sont un mystère
Pour le lecteur
Et atterrent
Le spectateur.

Pourquoi donc tirons-nous la tronche ?
Serait-ce un cadavre qui jonche
Le sol glacé de notre temple ?
Est-ce la mort qui nous contemple ?
Pourquoi cet aspect funèbre
Et ces gueules de ténèbre
Quand nous pourrions comme hier
Entonner un vaste chœur,
Mêler nos paroles plurielles
Pour de joyeuses ritournelles,
Joindre le débonnaire
Au bonheur,
Chanter des airs
Pendant des heures ?

Eh bien c’est qu’aujourd’hui, misère,
Le chant n’a plus l’heur
De nous plaire :
Nous sommes écrasés de stupeur.
La cotation boursière
A ses côtés farceurs
Et c’est nous qui sommes marrons,
C’est nous qui sommes les dindons :
Nous avons essuyé cette nuit sous la lune
Un joli revers de fortune.

Lorsque coule le camembert
Plus moyen de faire son beurre !
On éprouve douleur aux molaires
Quand on découvre son malheur.
Il suffit d’un courtier délétère
Ou gaffeur
Pour que le cabinet d’affaires
Ne soit plus qu’un lieu où affleurent
Toute la tristesse d’Orphée revenant des Enfers,
Le chant de la terre de Mahler,
Hamlet en noir au cimetière
D’Elseneur.

Nous sommes cinq spéculateurs
Que leur enfui pécule atterre,
Nous sommes cinq boursicoteurs
Qui avons besoin d’un cautère,
J’en ai bien peur,
Mon père !

Ecrit d’après la consigne n° 62 du site Paroles plurielles
Il s'agit d'un détail d'un tableau de Paul Delvaux. Le tableau se trouve au Musée d'Art moderne de Bruxelles
L'incipit de votre texte qui s'inspirera de la photo: "Mes bien chers frères..."