mercredi 10 décembre 2008

La berceuse : écrit pour Kaléïdoplumes n° 49 (1)

tapis du marché d'El Zevir 1

LA BERCEUSE

Le chant des bengalis s’est tu car c’est la nuit ;
On n’entend plus au loin voleter l’oiseau-mouche.
Le sultan impoli
S’allonge sur son lit
Sans ôter ses babouches.

Il fait jouer à l’oud un vieil air de Lulli
Et commande qu’on mène aux abords de sa couche
Une vierge, jolie,
Pour sonner l’hallali
Et tirer sa dernière cartouche.

La berceuse : écrit pour Kaléïdoplumes n° 49 (2)

tapis du marché d'El Zevir 2

Jadis, il fut trompé et il a établi
Ce rituel cruel de la Sainte-Nitouche
Qui le guérit pour une nuit
De sa psychose, de sa folie
Mais qu’il tue le matin au sortir de la douche.

Quand il a vu Shéhérazade il a pâli.
Ses yeux sont magnifiques et ses seins… et sa bouche
A entrepris
De lui conter jusqu’à minuit
Les mille et un replis
D’une histoire infinie
Qui le touche.

La berceuse : écrit pour Kaléïdoplumes n° 49 (3)

publicité pour le Maroc 1

Elle a lu quatre pages : ça n’a pas fait un pli :
Le voilà assommé, dormant comme une souche
Et quand vient le matin le chant des bengalis
On le trouve oublieux de sa mélancolie,
Qui se réconcilie
Avec la vie
Et entend à nouveau voleter l’oiseau-mouche.

La conteuse se lève et c’est lui qui supplie :
- Je t’en prie, s’il te plaît, ne me sois pas farouche,
Qu’adviendra-t-il en Italie
Quand la femme de Rivoli
Rencontre le beau Scaramouche ?

La berceuse : écrit pour Kaléïdoplumes n° 49 (4)

publicité pour le Maroc 2

Shéhérazade a tout compris !
Shéhérazade est fine mouche :
- Si tu me gardes cette nuit
Je te dirai mon homélie,
Mon épopée qui se déplie,
L’aventure qu’on multiplie
Et les intrigues qu’on polit
Au Tripoli dans les bars louches ! »

Le sultan a cédé ! Chaque soir elle accouche
D’un nouvel épisode à sa tétralogie.
Et lui s’endort toujours au songe d’Athalie
Dans les bras de Morphée, dans la voie de l’oubli
De ses antiques escarmouches.

Bercé par la voix suave et les didascalies
Le sultan, endormi le nez dans ses babouches,
Ronflant comme un enfant ou comme un colibri.
Le sultan redevient innocent oiseau-mouche.

Moralité : comme on fait son lit on se couche.

oiseaux colibris gif animé

Texte écrit et publié pour l'atelier d'écriture Kaléïdoplumes n° 49 : seule la dernière ligne du texte était imposée. Les illustrations ont été captées rue Jean-Jaurès et quai Lamartine à Rennes le 6 décembre 2008. Les deux premières représentent "un marché de tapis à El Zevir" dans la vitrine du magasin "La route de la soie". Les deux autres sont des gros plans d'une publicité pour le Maroc vue dans une agence de voyage.