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samedi 13 décembre 2008

Rubrique négrologique (Impromptus littéraires du 1er décembre 2008) 1

Mathusalem à Tréguier

Aujourd’hui, Mathusalem est mort. La bien triste nouvelle est tombée sur les téléscripteurs virtuels de notre journal électronique sous forme d’une dépêche de l’Agence France-Potins. Il m’appartient de rendre ici hommage à la mémoire de ce pote âgé, modeste mais génial artisan de l’histoire et de la littérature, dont on savait, au finale, assez peu de choses car il cultivait avec un talent rare l’art du jardin secret et la fréquentation discrète et inefficace des grosses légumes et huiles essentielles.

L’extrême neutralité dont notre journal « Les Impromptus littéraires » ne se départit jamais ne doit pas nous empêcher de l’écrire : Mathusalem a de tous temps « grenouillé » dans les sphères magiques du pouvoir qui rendent les sentiers lumineux et donnent les ailes du Glamour aux plus « albatros baudelairiens » des oligarques terre à terre de notre Terre.

Rubrique négrologique (Impromptus littéraires du 1er décembre 2008) 2

Conseiller secret de plusieurs rois de France, de Navarre et d’ailleurs, Mathusalem a signé sous le pseudonyme de Saint-Simon les « Mémoires du règne de Louis XIV », rédigé les minutes du procès de Jeanne d’Arc dont il ne comprenait pas que cela pût s’appeler « minutes » et durer autant de plombes. Il a pondu sous un faux nom le « Mémorial de Sainte-Hélène » et on prétend même, au vu de leur richesse en anecdotes du passé, qu’il a été le nègre de Victor Hugo pour la « Légende des siècles ». L’auteur caché du « Prince » de Machiavel n’était autre également que ce bon « Monsieur Max ». C’est sous ce dernier pseudonyme qu’il venait d’ailleurs de publier récemment aux éditions Alain Sudemont-Pleingré le tome 1 de son autobiographie-règlement de comptes intitulée « … et je t’emmerde, petit con ! ».

Mathusalem s’y plaignait que personne parmi les puissants ne suivît jamais ses conseils avisés. Il n’a jamais pu, par exemple, alors qu’il secondait le grand Saint-Eloi, faire en sorte que le roi Dagobert remît sa culotte à l’endroit à chaque fois qu’il sortait de la maison close de Madame Suzanne que toute la cour du royaume franc fréquentait régulièrement. « Non seulement, écrivait-il, les rois étaient fainéants mais en plus les courtisans étaient débauchés et la braguette pas encore inventée, ce qui n’excusait en rien Sa Majesté car on voyait très bien les coutures de ses chausses et l’étiquette royale ».

Pour plus de détails sur ce livre-testament, on se reportera au DDS n° 38 qui paraîtra ce samedi 6 décembre. Mathusalem avait en effet accordé au journal de Janeczka Monbijou et à son enquêteuse émérite, notre consoeur Isaure Chassériau, une interview exclusive à propos de son brûlot.

Isaure Chassériau reporter

Rubrique négrologique (Impromptus littéraires du 1er décembre 2008) 3

Cela nous amène à évoquer maintenant les circonstances mystérieuses de son décès. C’est en sortant de chez lui après cet entretien avec la journaliste que Mathusalem a été renversé par un traîneau tiré par des rennes volant à basse altitude et piloté par un homme vêtu de rouge et chargé de paquets. Le chauffard a pris la fuite.

D’après un témoin qui le connaissait, M. John Mac Dermott, Mathusalem sortait peu de chez lui à cause de son grand âge – « 5070 ans, c’est un âge correct pour prendre sa retraite, disait-il, pas avant ! » -. Il se rendait surtout chez Madame Suzanne pour « s’y entretenir » avec Mlle Fanfan-la-Tulipe ou aussi au bistrot « Chez Gégé », un établissement tenu par un ancien acteur qui – de par Dieu, c’est véridique ! – avait joué comme lui tous les rôles du répertoire à l’exception de celui de G.W.F. Hegel dans le film « J’ai raison, dans l’histoire ! ».

S’agit-il bien d’un accident de la circulation ? On peut se le demander. On apprenait ce matin, simultanément à la mort du grand homme, que la Police Judiciaire avait embarqué Mlle Chassériau pour un interrogatoire plus poussé. On suppose, histoire d’en rajouter dans les milieux autorisés qui s’autorisent bien des choses, qu’il s’agirait en fait d’un assassinat maquillé et que cela serait consécutif à une brouille familiale très ancienne et donc très tenace.

Mathusalem 2 Monsieur Max

Rubrique négrologique (Impromptus littéraires du 1er décembre 2008) 4

Cette disparition ne sera de toutes façons pas sans conséquences sur la vie culturelle de notre beau pays. En effet, avec la mort de Mathusalem, toutes les « vieilles gloires » de la planète se mettent à trembler et ce n’est pas à cause de cette blague idiote sur « Parkinson le glas » mais bien parce que le concept d’immortalité vient d’en prendre un sacré coup dans les lattes. Johnny Halliday, Bernard Lavilliers et Line Renaud ont annulé leur énième tournée d’adieux. Alain-Gérard Mathushutin et François-Régis Mathuslama ont décidé d’arrêter leurs éditoriaux mathututinaux. Les joyeux bicornus du quai Conti qui se disent « toujours verts » ne viendront plus le jeudi à la « French Academy » pour jouer au jeu du dictionnaire. Etc. Etc. Et moi-même, Polybus Mérobe, je me sens vieux comme moi-même, d’un seul coup.

Surtout, face à la crise dans laquelle tout le monde se trouve plongé suite à cette annonce, pour ce qui concerne le conducteur du traîneau, j’ai du mal à croire au Père Noël !

Pour Mathusalem en tout cas, la messe est dite. Qu’il repose en paix pour les siècles des siècles !

Pourquoi tant de haine père noël

Ecrit pour l'atelier d'écriture "Les Impromptus littéraires" du 1er décembre 2008. Comme dans "L'étranger" d'Albert Camus, le texte devait commencer par "Aujourd'hui maman (où qui on voulait) est morte" Les deux premières photos illustrant le texte ont été prises à Tréguier et à Rennes en 2008 et la dernière à Rennes en 2004