Le Badaud ivre (Joe Krapov)
Comme je descendais des bières, impassible
Je ne me sentis plus bridé par les chaleurs.
Mon nez rouge criard devenait indicible
Et ma face avait pris de pataudes couleurs.
J’étais insoucieux de tout autre breuvage,
Des chouchens du Trégor ou des whiskies anglais.
Je vidais bock sur bock sans faire de tapage
Et j’en pouvais descendre autant que je voulais.
Dans le clapotement sans joie de la Vilaine
Que les Rennais, plus sobres que mille chameaux,
Aillent chercher fraîcheur ! Moi, du demi, sans peine
Je tire le remède à nos maux estivaux
Car les Dieux ont béni cette boisson à bulles.
Plus légères à mes yeux que l’oiseau colibri
Elles dansent gaiement, tournoient et déambulent
Et se font de la mousse blanche un bel abri.
Plus douce qu’aux enfants l’infâme grenadine
L’ambre dorée pénètre en moi et je ressens
Un engourdissement de toute la machine
Qui vide le cerveau et rend déliquescent ;
Et dès lors je me sens baigner dans l’hébétude
Du bonheur, infusé de nirvana, ou presque.
Je regarde la vie avec sollicitude
Et je deviens bientôt… abracadabrantesque !