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jeudi 3 juin 2010

Trois histoires pour Mini-Pounes illustrées par Doris Lecher (1)

Doris Lecher 1
Quelquefois, pour animer l'atelier d'écriture de Villejean, j'emprunte à Marina B. des images de ses jeux "espéciaux". Le 11 mai, j'ai distribué les petites saynètes superbement dessinées par Doris Lecher pour un jeu intitulé "Halte à la violence" aux éditions Schubi. J'espère que l'illustratrice ne verra pas d'inconvénient à ce que je publie ici trois de mes petits délires en compagnie de ses dessins.

PETIT GIBUS 1

Gégé, Gilou et Gus constituaient un gang, sous cette latitude-là. Petit Gibus suivait, l’air un peu misérable, les maffieux en goguette. Les trois gangsters siciliens l’appelaient « Miniature » ou « Résidu de fausse couche ». Il était minuscule.

Le petit soldat endurait tout en silence. Il avait fait le choix d’entendre leurs fadaises et préférait dorénavant leur compagnie à celle de sa mère qui, dans leur domicile, l’envoyait au dodo trop souvent à son gré. Elle exigeait de lui qu’il fût un girafon docile, qu’il rangeât ses dominos et révisât son solfège. A cette sollicitude permanente il préférait la solitude de la savane et la compagnie des trois grands taciturnes réunis.

On arriva bientôt près du micocoulier. Ses feuilles étaient sublimes, on était au solstice et les grands les broutèrent, là-haut dans les nuages.

La première fois qu’ils étaient venus là, Petit Gibus avait pigné :
- Z’en veux ! Z’en veux moi aussi du swing-gum !

Gilou lui avait balancé un coup de ripaton dans les tibias. Depuis, il ne disait plus rien quand ils arrivaient là.

- Aujourd’hui, dit Gus, nous allons te récompenser de ta discrétion et de ta discipline. Nous allons unir nos forces et tirer sur la branche pour que tu puisses mâchonner quelques feuilles de micocoulier. Car c’est la Sainte-Estelle ! C’est notre sainte patronne et en hommage à la gentille fée qui travaille dans le bureau voisin de celui de Joe Krapov, nous allons tâcher d’être bons et gentils toute cette journée du 11 mai.

- Merci, les copains, vous êtes de chics types, dans le fond !

***

Vous aussi, je vous remercie, chers lecteurs et chères lectrices, d’avoir écouté jusqu’au bout cette histoire mais je dois vous avouer qu’elle est complètement invraisemblable. D’une par Sainte-Estelle n’est jamais allée en Afrique et d’autre part… les girafes sont muettes !

Trois histoires pour Mini-Pounes illustrées par Doris Lecher (2)

Doris Lecher 2

PETIT GIBUS 2

Popaul, Philou et Pierrot étaient de sacrés blaireaux ! D’une part, ils trouvaient fastoche de grimper aux arbres et d’autre part ils adoraient conter des fables à petit Gibus. Le jeunot les tannait pour qu’ils le laissassent entrer dans le club très privé et très huppé des possesseurs de pinces à linge. Sous cette latitude-là, le sport national consistait à aller dérober les pinces à linge de Laure Manaudours qui mettait à sécher sur le fil du jardin ses maillots de piscine, ses strings et ses fourrures.

- Si je vais lui piquer une pince sans me faire pincer par son mari, est-ce que je pourrai entrer dans le club des blaireaux siciliens et avoir droit à un tee-shirt orné, moi aussi ?
- Non, répondit Popaul ! Il faut que tu sois plus docile et que tu respectes la règle. Dorénavant le droit d’entrée est… un pot de miel !
- Tu es fou ! protestèrent les deux autres. Tu ne vas pas l’envoyer au casse-pipe, notre petit Risque-tout ? Tu sais bien que Laure Manaudours conserve ses pots de miel dans le fond de sa grotte.
- C’est ça ou la solitude infinie des immensités plates, décréta Popaul, l’œil aussi noir que son tee-shirt.

Peu rassuré, Petit Gibus se mit en route. Laure était endormie mais son sommeil était aussi léger que son palmarès en brasse papillon. Alors qu’il ressortait de la grotte après avoir réussi à dérober un pot de miel, elle se réveilla et poursuivit le larron. Celui-ci, pour s’abriter dans les hauteurs, dut lâcher le pot de miel qui se cassa en tombant.

- Bande de petits voyous ! » hurla l’oursonne menaçante.

Le lendemain, Popaul baissa ses prix et ordonna à Petit Gibus d’aller dérober une pomme dans le jardin de Ludwig Van Beethoven qui était justement en train de composer sa cinquième symphonie : « Pomme Pomme Pomme Pomme ! La Pince à linge ! »
Petit Gibus réussit, devint membre du club et obtint un beau tee-shirt.

***

Je vous remercie, cher public, d’avoir écouté cette histoire jusqu’au bout mais je dois vous avouer maintenant qu’elle est absolument invraisemblable ! D’une part Laure Manaudours n’a jamais eu autant de poil sous les bras et d’autre part Beethoven ne fréquentait pas les blaireaux !

Trois histoires pour Mini-Pounes illustrées par Doris Lecher (3)

Doris Lecher 3
PETIT GIBUS 3

Petit Gibus le dromadaire s’amusait à faire des pâtés avec le sable du désert. Il en avait marre des fadaises qu’on lui apprenait à l’école. Toutes ces réminiscences de courses de régates de la république vénitienne, ces fables sur la culture des mirabelles, ces leçons de solfège et ces lectures du tome II des Misérables de Victor Hugo le saoûlaient. Lui, ce qu’il préférait, c’était, dans la solitude du désert, de bâtir sur du sable.

Quand il vit Charles et Lulu s’approcher de son terrain de jeu, il se renfrogna. Ces deux grands emmerdeurs siamois lui cherchaient toujours des noises. Cette fois-ci non plus, ça ne loupa pas. Charles s’approcha de son pâté et se mit à le labourer d’une patte rageuse. Petit Gibus vit à regret disparaître son œuvre et, mi-figue, mi-raisin, il tâcha de retenir ses larmes tandis que les deux imbéciles bossus et chevelus s’éloignaient en quête d’un autre mauvais coup à faire. Quand soudain il fut étonné d’entendre Lulu engueuler son double.

- Je trouve que t’es pas sympa ! C’est la Sainte-Estelle aujourd’hui. En hommage à notre sainte patronne, tu aurais dû te montrer gentil avec Petit Gibus et ne pas écraser son minuscule minaret !
- OK ! OK ! admit Charles. J’avais pas regardé le calendrier ce matin. Tout le monde a le droit d’avoir des absences, non ? Allez, petit , prête-moi ton seau et ta pelle !

Et c’est ainsi que Petit Gibus assista, sous cette latitude-là, à la naissance du château de Versailles en plein désert du Sahara.

***

Je vous remercie, cher public, d’avoir écouté jusqu’au bout cette histoire mais je dois vous avouer qu’elle est absolument invraisemblable. D’une part, je l’ai déjà dit plus haut, Sainte-Estelle n’est jamais allée en Afrique. De deuxième part les dromadaires n’ont qu’une bosse, ce sont les chameaux qui en ont deux et de troisième part ces animaux jouent très rarement avec une pelle et un seau !