PETITE ANNONCE DE TEMPS DE CRISE
Tout le monde croit que c’est ma mère. Et pourtant, y’a pas photo, elle ne me ressemble pas. Normal. Il y a trois jours encore, elle et moi ne nous connaissions ni des lèvres ni des dents. Nous étions deux parfaits inconnus parmi des milliards sur la même planète, deux animaux que le hasard seul qui se promène au gré des vents et fait des farces de force 8 aurait très bien pu ne faire jamais se rencontrer.
Tout le monde croit que c’est ma mère parce que je suis hyper-attentionné pour cette vieille dame en fauteuil roulant. Ce soin que je lui prodigue, elle le vaut bien ! Si nous attirons les regards des grandes personnes comme ceux des petits monstres, c’est sans doute aussi à cause de sa robe aux couleurs vives, de sa mise élégante, de son maquillage, de ses bijoux et de ses cheveux teints. Quand la jeunesse n’est plus qu’un souvenir il faut bien user d’artifices pour briller encore un peu de quelques feux.
Tout le monde croit que je suis son fils mais en fait je suis une lubie. Un caprice, une éclaircie dans la forêt des intérêts qui l’entouraient. Toute notre déambulation au long des vagues de la Manche, c’est aussi très nouveau pour moi. C’est la première fois que l’on répond à une petite annonce déposée par ma pomme dans un journal. C’était aussi, il faut le dire, la première fois que j’en déposais une. Et quelle petite annonce !
« Jeune homme attentionné propose de co-voiturer pour vacances à peu de frais, sur un trajet menant de Carvin à Brest, dame âgée richissime crevant d’ennui profond dans luxe, calme et volupté. Hébergement en camping, restauration en gargote, voyage en bus Volkswagen garanti ayant déjà servi à Woodstock. Accepterait en échange chèque comportant quatre zéros avant la virgule et même statut de légataire universel si affinités. »
