Joe Krapov partage ses images

Madame Liliane – ma petite folie en fauteuil se prénomme Liliane – a gratifié le un du chèque de six zéros. Je n’avais jamais vu ça et je n’en crois toujours pas mes yeux. Je l’ai posté dès réception à Hélène, ma compagne légitime, pour qu’elle l’endosse dès lundi.

Je me souviendrai toutours des regards ahuris du majordome, des soubrettes et des aide-soignantes quand j’ai franchi la grille de sa propriété « L’Arc-en-ciel » et garé mon minibus devant le perron de son pavillon gigantesque. C’était à l’aurore de notre périple. Tout le monde m’a regardé d’un air méfiant, comme si j’étais un plombier venu poser des micros ! Pas elle. La tranquille confiance qu’elle m’a accordée dès le départ n’a jamais cessé de transparaître. C’est comme si un Dieu favorable, grand dispensateur d’inattendu, accordait sa protection à notre projet farfelu.

Je me demandais encore tout à l’heure en poussant son fauteuil sur le chemin de planches de la plage de Cayeux-sur-mer, tout le long des cabines de bain aux dénominations drôles ou poétiques, si cette grande dame ne sort pas d’un autre siècle, si elle a réellement vécu les soixantes dernières années sur la même planète que nous. Elle n’était jamais venue dans le Pas-de-Calais et elle a voulu à tout prix que je lui montre des terrils et des corons ! J’ai dit non.

Je l’ai emmenée au Mont Cassel, voir le moulin, la plaine de Flandre, la route pavée. Elle a adoré que j’écoute Radio-Nostagie dans la voiture.
- C’est bien, cette chanson « Dès que le vent soufflera » ! Qui la chante ?
- Ben, Renaud, bien sûr ? Vous ne connaissez pas ?
Ben, non, elle ne connaissait pas.
- C’est mieux que Radio-Classique et les cours de la bourse ! Si vous saviez comme je m’en parfume des actions des marchands de laque ! » a-t-elle commenté.