Un calibre calabrais (manuscrit inédit de Jules Verne) 1

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Un calibre calabrais

Ainsi, il fallait nous rendre à cette évidence, nous étions bel et bien prisonniers de Raphaël-Tibur Nemovostrogonoff ! L’excessive confiance que nous avions manifestée en répondant à son invitation et en nous rendant à cette prétendue inauguration d’un théâtre novateur se retournait contre nous. Certes, ce monument en forme de grand huit était bien le plus beau du quartier, de la ville et du pays même. L’amour avait présidé à sa construction car Raphaël-Tibur comptait faire cadeau de ce bâtiment à sa récalcitrante Dulcinée, Blanche-Cunégonde-Alice d’Antipode-Paillette, fille adorée d’un éminent professeur de physique des matériaux de Wellington (Nouvelle-Zélande) dont Nemovostrogonoff avait été autrefois l’élève. Hélas, tout le monde sait le malheur qui frappa récemment cette famille digne et méritante.

Alors qu’elle effectuait une exploration en aérostat du lac Victoria, la jeune fille eut la malchance d’être prise dans une de ces tempêtes soudaines qui s’abattent sans prévenir sur ces régions encore très peu civilisées où la science météorologique ne s’exerce que de façon sauvage et précaire : on mouille l’index, on lève le doigt et si on sent le poisson frais c’est qu’il y a du vent et que la pêche de Mamadou a été bonne. Pour faire parvenir cette nouvelle heureuse à l’ensemble des habitants des plateaux environnants on tape sur des tambours de bois tendus de peaux de bêtes et sur des soucoupes d’aciers suspendues à des cordes.

C’est ce que les indigènes appellent la radio de Théophile Collins du nom d’un explorateur anglais quelque peu mélomane et beaucoup inconscient qui s’aventura le premier dans cette contrée.
- C’est quelqu’un qui avait très bon goût ! » prétendent les autochtones qui font visiter le mausolée dans lequel le savant passa quelque temps, très peu à vrai dire, puisqu’il s’agit d’une marmite.